L'équipe de France dispute au Portugal une place en finale du Mondial 2006, ce mercredi à Munich, pour donner un sens à sa monumentale victoire face au Brésil mais aussi écrire une fin rêvée et sublime à la dernière aventure de Zinédine Zidane. "Les demi-finales, c'est toujours la marche la plus difficile", assure le sélectionneur Raymond Domenech qui, dimanche, au lendemain de la démonstration collective face au Brésil (1-0) en quarts de finale, avait utilisé la métaphore de l'ascension et des "deux mètres" restant à parcourir jusqu'au sommet.
Ces Bleus, qui avaient débuté leur campagne mondiale par l'ascension d'un glacier à Tignes, dans les Alpes, fin mai, filent donc la métaphore en pensant à cet objectif qu'ils se sont fixés depuis plusieurs mois: le "9 juillet" à Berlin. Pour une finale de Coupe du monde aux airs de jubilé impérial et inoubliable pour le retraité Zidane, mais aussi Thuram, Makelele voire Barthez, qui vivent leurs ultimes moments en sélection.
Enoncé depuis Tignes, le pari semblait osé, fou, impossible. Mais le déclic qu'a constitué l'indispensable et crispante victoire face au Togo (2-0) et la cohésion retrouvée contre l'Espagne (3-1) puis le Brésil, ont tout changé. Berlin n'est désormais plus qu'à 90 minutes (ou 120) et les supporteurs français, sceptiques il y a moins de deux semaines, s'y voient déjà.
Le plus difficile, quand on s'élève comme les Bleus s'élèvent match après match, est pourtant de garder les pieds sur terre. Car c'est "humblement", selon Lilian Thuram, que cette équipe avance, et le plus capé des Bleus (120e sélection mercredi) connaît le danger de se croire arrivé. De se reprendre pour les Bleus de 2002 alors qu'il faut continuer à être ceux de 1998.
"Dans le football, confesse Thuram, tout est fragile, c'est pour ça que c'est difficile, c'est pour ça que c'est beau aussi. Il faut être attentif." "On n'allume pas la télé parce qu'en ce moment c'est cocorico sur toute la ligne", ajoute Domenech qui a fixé la ligne de conduite: "revenir à l'état dans lequel on était avant le match du Brésil".
D'autant que le Portugal, qui a sorti les Pays-Bas (1-0) et l'Angleterre (0-0 a.p., 3-1 aux t.a.b.) avec une sacrée rigueur (et quelques cartons jaunes), ne risque pas de prendre les Français de haut. Ne serait-ce que pour faire ravaler aux Bleus la demi-finale perdue à l'Euro-2000 et 30 ans sans victoire.
"Je crois qu'il vaut mieux éviter de parler de bataille", a toutefois prévenu le gardien portugais Ricardo, héros des tirs au but face aux Anglais, cherchant comme la plupart des acteurs de cette demi-finale à calmer le jeu.
Tendue, la partie le sera pourtant. D'abord parce que les deux équipes se sont construites sur une base défensive. Mais aussi parce que dix titulaires - Zidane, Thuram, Vieira, Sagnol et Ribéry côté français, Figo, Maniche, Ricardo Carvalho, Ricardo, Nuno Valente côté portugais - joueront avec la menace de rater l'éventuelle finale en cas d'avertissement.
Mais avec des techniciens de la trempe du "Brésilien" Zinédine Zidane, du décisif Thierry Henry, du revenant Deco, de l'expériementé Luis Figo, ce 22e Portugal-France du nom ne peut se limiter à un simple combat.
Il y aura forcément de l'espace pour autre chose à Munich où Fabien Barthez va devenir le Français ayant disputé le plus de matches en Coupe du monde (16) treize ans après y avoir gagné la Ligue des champions avec Marseille. De l'espace pour ces instants d'éternité qu'ont parfois offert les demi-finales au football français.
Du Solna 1958. Du Séville 1982. Ou du Saint-Denis 1998, quand un défenseur français inspiré par une force mystique s'en allait marquer deux buts à la Croatie pour qualifier la France, ses deux seuls buts en Bleu. Lilian Thuram, en y repensant lundi, avait encore du mal à y croire: "On se dit que la première fois, c'est complètement fou. Si ça arrive encore mercredi, il faudra se poser des questions..."